Mohamed El baz
Il met le feu à tout ce qu’il touche... Et ses figures enflammées suscitent la joie et l’effroi ! Autant d’armes qui servent la beauté d’une liberté en art et en actes.
La fin des mythes communautaires sclérosés
Le printemps arabe et vous « Ce sont les plus faibles qui ont mis le feu au consensus général. J’ai le sentiment que ces événements ont conforté mon travail... Nous assistons à la fin de l’hiver des Arabes, des mythes communautaires sclérosés, du tabou démocratique, des complexes liés aux libertés individuelles... »
Etre un artiste engagé ? « L’artiste engagé est assis entre deux chaises..., ce qui ne me déplaît pas ! L’engagement en art est un terrain miné dès lors qu’il est programmé. Mais quand une oeuvre se trouve en phase avec une complexité sociale et politique, là réside la force de l’art. »
Qu’y a-t-il de contemporain en vous ? « Imaginez une partie de cartes où les atouts sont remis en jeu en permanence. Être contemporain, c’est vivre les inquiétudes de son époque sans en accepter les lâchetés. Être en recherche d’autonomie, même si les énergies se trouvent autour de soi, chez les autres en somme... »
Orient, occident. « Le monde formaté qu’on ne cesse de nous décrire n’a jamais offert autant de possibilités. L’Orient et l’Occident forment une structure globale, entre proximités et contradictions, face au reste du monde en matière de religion, de civilisation, de commerce... Ces flux vont dans les deux sens : une nouveauté que nous avons du mal à qualifier... »
Une raison de se lever le matin ? Ma dernière exposition « Bricoler l’incurable » exprime assez bien mon état d’esprit.
"Le fait d'appartenir à la diaspora donne une grande liberté de ton sur le Maroc".
Entre la France et le Maroc, Mohamed El Baz élabore une œuvre totale en perpétuelle évolution depuis vingt ans.
« Je construis quelque chose dont je ne connais pas le terme. C'est vertigineux. » Depuis 1993, Mohamed El Baz crée sans fin Bricoler l'incurable, une œuvre qui a pour ambition de traduire le mal-être contemporain, une fatalité sans solution. Par son art, il cherche à inquiéter le spectateur et, surtout, à l'interpeller sur les grands soubresauts de l'Histoire. « Les détails de mon travail arrivent au fur et à mesure », explique l'artiste franco-marocain, qui, à chaque nouvelle exposition, conçoit une installation appelée à devenir un nouveau fragment de ce projet titanesque, devenu son moteur de vie.
Début juillet, à Asilah, cité balnéaire au sud de Tanger, il s'est interrogé sur les conséquences du Printemps arabe dans le cadre de l'exposition « Horizons croisés », chapeautée par Brahim Alaoui, au Moussem culturel international de la ville. Sur des têtes de mort dessinées au mur, il avait juxtaposé les drapeaux des pays d'Afrique du Nord vidés de leurs couleurs. Au milieu, des microphones tournés vers l'extérieur et un tapis oriental à moitié tondu... Son engagement, dit-il, reste avant tout artistique et il nie vouloir faire passer un message politique. « L'art, plus on l'explique, plus il s'amoindrit », insiste-t-il.
Des yatagans en néons, des impressions sur plexiglas ou encore un squelette entouré de postes de radio, chacun réglé sur une fréquence pour évoquer les différents bruits du monde... Dans sa quête, El Baz s'appuie sur différents dispositifs scénographiques, des vidéos et des photos. Il reconnaît d'ailleurs être passionné par ce dernier support. C'est après avoir vu une exposition du photographe George Rodger (Magnum) qu'il a décidé de postuler à l'école des beaux-arts de Dunkerque (France), où il vivait avec ses parents. « C'est là que j'ai commencé à utiliser la photo comme un moyen et non plus comme une finalité », raconte le plasticien de 45 ans. Diplômé en 1989, il a poursuivi son cursus pendant trois ans à l'école nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy, puis enchaîné avec une année à l'Institut des hautes études en arts plastiques. Créée par le premier directeur du Centre Pompidou, le Suédois Pontus Hultén, en 1985, la formation s'adresse à des artistes émergents.
Depuis, El Baz a exposé ses créations aux quatre coins du monde, après s'être perfectionné dans des résidences en Tchécoslovaquie et aux États-Unis. Grâce à « Africa Remix », en 2005, son travail est passé par Paris, Düsseldorf, Tokyo, Londres et Johannesburg. Il avait conçu pour l'occasion l'installation Niquer la mort/Love suprême avec des images empruntées aux médias, des portraits d'inconnus et un atlas où les capitales mondiales étaient représentées par des cibles. Une sorte de charade renvoyant à l'actualité mondiale.
Pour ce natif du Moyen Atlas qui a émigré dans l'Hexagone quand il avait 6 ans, « le fait d'appartenir à la diaspora donne une grande liberté de ton sur le Maroc ». Depuis qu'il y a présenté sa première exposition personnelle, en 2007, il est de plus en plus sollicité par ses compatriotes - il exposera ses oeuvres à Casablanca en mars 2013 - et a renforcé ses liens avec son pays d'origine en épousant une Marocaine dont il a deux enfants.
Aujourd'hui partagé entre Lille et Casablanca, Mohamed El Baz prépare une monographie aux éditions Skira pour le début de l'année prochaine et une exposition en octobre au centre d'art contemporain B.P.S.22, à Charleroi, en Belgique. Sa quête de « l'incurable » se poursuit...
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Article consacré aux espositons de Mohamed El baz à la galerie JGM à Paris et à l'atelier 21 de Casablanca. Mohamed El baz déploie dux volets de son projet "Bricoler l'incurable". Il parle de guérison à Casablanca tandis qu'à Paris il tutoie la mort et la disparition
Mohamed El baz déploie deux volets de son projet « Bricoler l’incurable » à L’atelier 21 à Casablanca et chez JGM Galerie à Paris. Deux expositions rapprochées et complémentaires, détails d’une tentative de guérison toujours improbable.
« Malgré notre volonté d’agir sur le monde, sur les situations qui nous touchent de près, nous ne faisons que bricoler. Quelque chose est inguérissable par définition », disait il y a quelques années Mohamed El baz. Depuis 18 ans, l’artiste marocain né à Ksiba en 1967 et diplômé de l’Ecole nationale Supérieure de Paris Cergy, travaille sur le même projet « Bricoler l’incurable ». Photos, vidéos, installations, livres, expositions, mise en espace… tout dans son œuvre n’est que détail de cette grande entreprise ancrée dans une durée inconnue. « Je me suis dit au début «je vais voir quand est-ce que ça va s’arrêter » mais ça ne s’est pas arrêté. C’est devenu un mode de vie. Bricoler l’incurable est l’appellation d’un projet où toute chose, tout élément peut prendre place, en sortir, puis revenir… Au final, on fera le point. » Focalisé sur les questions que pose le monde, la vie, le social, le politique, Mohamed El baz dirige de plus en plus ses lumières sur la condition d’artiste avec d’abord en 2009 « L’atelier au Cactus » où il traversait en pèlerin un des lieux de vie de Gharbaoui ; puis l’exposition Résonances où les artistes étaient métamorphosés en crus appelés à se bonifier dans la cave du temps… et du marché de l’art. Enfin, cette année, El baz concocte comme un chaman des temps modernes des remèdes aux mêmes artistes, s’attaquant littéralement au mot « incurable » qui porte son projet. L’année 2011 signe aussi deux expositions rapprochées, l’une chez l’atelier 21 à Casablanca et l’autre chez JGM Galerie à Paris. Pas de recherche d’événementiel, nous assure l’artiste, juste une autre tentative de la machine à bricoler l’incurable qui opère à plusieurs endroits. Parle de guérison possible à Casablanca et tutoie la mort à Paris. En attendant de trouver le remède miracle pour venir vraiment à bout de notre incurable.
Une exposition inspirée par l'ancienne résidence de Jilali Gharbaoui
Mohamed El baz est un artiste qui n’aime pas trop tout ce qui est conventionnel. L’évidence lui pose problème et surprendre semble lui faire tellement plaisir. Sa nouvelle exposition qui se tient jusqu’au 5 mai à «l’Atelier 21» à Casablanca le confirme si bien. Entre jeu de cartes sur fond d’ampoules noires, mur parsemé de graffiti, photos à plusieurs niveaux, têtes brûlées et fleuves en feu, les nouvelles œuvres de l’artiste prêtent à confusion. Une délicieuse confusion toutefois car plus agréable que la découverte de cet univers particulier, la quête du fil conducteur qui lie ces différents travaux. Impossible de rester indifférent devant cette invitation franche à entrer dans le jeu d’El baz. C’est un art qu’il maîtrise bien, et sans le sentir vraiment, le spectateur est rapidement entraîné dans cette manœuvre interactive. D’ailleurs El baz, lui-même, s’est vu charmer par l’ancienne maison délabrée de feu Jilali Gharbaoui avant de donner vie à ses récentes œuvres. ...... (extrait)
Organisée par Simon Njami et autour de différentes dimensions de la lentille milieu à base de: photographie, nouvelles images et le cinéma, la 7éme Les Rencontres de la Photographie Africaine a eu lieu entre Novembre 24 et le 23 Décembre 2007 dans plusieurs endroits de la capitale du Mali. Le concept général de cette biennale était de transcender les méthodes traditionnelles d'exposer l'image fixe / statique, les œuvres et les projets de photographes qui adoptent d'autres médiums d'étendre à des artistes visuels qui travaillent sur l'image à travers des installations.
Avec sa sélection de projets, Njami a regardé dans la ville et ce qui se trouve au-delà, urbi et orbi, fournissant aux photographes la possibilité d'étudier le développement d'une ville africaine, en insistant sur la disparition de la frontière de plus en plus abstraite entre la ville et ses environs. Ce concept a été conçu pour être un thème fort qui aurait un lien vers le public local...
(extrait ) article complet en anglais
Université de KwaZulu-Natal, Durban, Afrique du Sud Ninon Larché,
Je peux parler d’une manière un peu générique de mon travail. Depuis dix, douze ans, ce travail s’appelle « bricoler l’incurable. (point) détail » et à chaque fois, chaque élément qui est fait est un détail d’un ensemble qui est en train de se constituer finalement. Donc les vidéos sont un détail, les photos sont un détail, les panneaux de manifestation sont un détail, le fusil, enfin, etc. Ça veut dire quoi pour moi ? C’est un moment quand on décide d’être « artiste » entre guillemets, de faire de l’art, pour quoi faire ? Est-ce qu’un moment ça doit servir à quelque chose ? Et moi, je suis convaincu que c’est quelque chose qui doit réparer un peu le monde, en tout cas parler de ça, voilà.
( extrait )
Inter : art actuel, n° 91, 2005, p. 58-59.
« Bricoler l’incurable. Gold Save the Queen [installation de Mohamed El baz] : profession mythologue »
> JEAN-CLAUDE ST-HILAIRE
Originaire du Maroc et vivant à Lille, en France, où il enseigne, Mohamed El baz présentait au Lieu, centre en art actuel, un énième chapitre de son projet Bricoler l'incurable, amorcé en 1993. L'odyssée consiste en une observation de la vie : il est particulièrement aux aguets d'informations économique, politique, sociale, ethnique, ainsi que de celles sur la situation internationale et la consommation. Tout cela est accompagné de ses traces affectives, comme en repoussoir. Il utilise les médias comme engin de recherche et collecte ainsi ses traces du monde à travers un temps défini. Il est à noter qu'à l'origine, le projet devait durer dix ans et se terminer, donc, en 2003. La richesse du processus l'a toutefois amené à prolonger l'opération. Les installations construites développent chacune un chapitre, une synthèse artistique, une espèce de « polaroid » multiforme et « multi source », une proposition de lecture orientée par les filtres choisis. Il s'agit d'un système « installé », totalement ouvert, où le public est appelé à errer entre les différentes strates, les différents sens mis en action par la manigance de l'artiste. Le chapitre de Québec s'intitulait Gold Save the Queen.
( extrait )
Audrey Mascina (A.M) : Vous avez intitulé et décliné votre travail depuis 1993 sous le générique de « Bricoler l’incurable, détails », pourquoi avoir choisi de nommer et résumer votre travail sous cet étendard? Que signifie ce titre ?
Mohamed El Baz (M.E.B) : Il ne s’agit pas pour moi d’un résumé. Dés le début, j’avais en tête cette volonté de construire un travail où chaque élément est lié à un ensemble. Chaque détail construit, augmente cette machine qui s’appelle «Bricoler l’incurable». lorsque j’ai nommé une fois pour toute mon travail de la sorte, je pensais que l’Art, ma position d’artiste n’avait qu’un but, celui de réparer des choses autour de moi. Je me suis proposé de bricoler cet incurable qui nous entoure au travers de détails ciblés selon les contextes.
( extrait ) la suite au complet sur le doc pdf